Parce que le monde est parfois d’une incorrigible vacherie, parce qu’il vous susurre ce qu’une éternité ne saurait parvenir à vous glisser dans l’ombre malsaine de vos plus aveugles secrets. Parce qu’il est ce qu’il est, Camille vit le jour dans une famille très religieuse, mais pas aussi seule qu’une naissance aurait dû l'être, puisqu’un faux jumeau s’extirpa du même placenta. Un garçon, un être qui deviendrait la pierre angulaire de sa vie, la raison de son souffle, la perdition de son âme. Rafaël. Un prénom, si simple et si fugace. Celui qui pourtant encore à ce jour ne cesse de la troubler d’une manière bien trop répugnante, sous un désir trop hasardeux et détestable. A moins que cela soit la noirceur de cette âme entrelacée qui souille celle de son frère qui n’a de cesse de la fasciner, de l’attirer…

Aurais-je dû souiller mes lèvres aux tiennes ? Ou bien l'ais-je fait par erreur ?

Assise dans cette chambre qu’elle ne connaissait pas, dans ce dortoir qui la privait de son autre, d’une partie si semblable à elle-même, Camille restait silencieuse, prostrée sur ce lit qu’elle haïssait déjà de toute son âme. Elle avait beau regarder ce qui l’entourait, tout lui semblait terne et sans intérêt, morne réalité, sombre existence qui semblait se tisser face à elle, quand une jeune fille brune pénétra dans la pièce, s’approchant de celle qui ne soufflait pas l’ombre d’un mot. Tapant de pied, la nouvelle arrivante la scrutait comme si elle cherchait à découvrir un secret trop enfoui pour être perçu au premier coup d’œil.

« C’est vrai que t’as couché avec ton frère ? » demanda-t-elle brusquement, laissant Camille repousser quelques mèches éparses qui retombaient distraitement devant ses yeux, voile qu’elle écarta pour regarder la curieuse en question, tandis que ses lèvres se descellaient finalement.
« On n’est pas allé jusque là.
- Mais vous vous êtes embrassés et tout ?
- On peut dire ça comme ça. » répondit-elle en se souvenant précisément de la raison de sa présence en ces lieux.

Une pension… on l’avait mise en pension comme s’il s’agissait là d’une punition divine, car selon ses parents, son frère avait une influence néfaste sur elle, et il fallait bien évidemment la faire disparaître, la crever dans l’œuf avant que cela n’en vienne à la damner tout à fait. Comme chaque nuit depuis qu’ils étaient nés… ils leur arrivaient de rejoindre l’autre dans son lit, à la recherche de cette chaleur qui semblait désespérément leur manquer depuis qu’ils s’étaient extirpés de l’utérus de leur mère.

Cette nuit-là, Rafaël s’était glissé dans le sien, plaquant son corps adolescent aux courbes juvéniles de celle qu’il connaissait aussi bien que lui-même… Du haut de leurs quinze ans, Camille paraissait pourtant plus frêle, plus jeune que celui qui était né seulement quelques minutes avant elle. Et ce souffle s’écrasant sur sa nuque la fit naturellement frissonner.

« J’ai lu aujourd’hui que les faux jumeaux étaient des âmes sœurs, qu’en revenant au monde, elles avaient refusé de se séparer tant leur amour était plus fort que la mort.
- Et tu y crois ?
- Peut-être… Oui. » conclut-il dans un souffle, se lovant plus étroitement contre sa jumelle, ses doigts effleurant distraitement le ventre de celle-ci, comme lorsqu’elle se plaignait de douleur en cet endroit. Clôturant brièvement ses paupières, la jeune fille laissa filer un soupir, comme si elle ne parvenait à croire qu’il pouvait dire ce genre de choses ; cela allait à l’encontre de tout ce qu’ils avaient appris, de tout ce que leurs parents cherchaient à leur inculquer, ces valeurs si précieuses qui les différenciaient des animaux… et elle n’en était pas un.
« Dit pas de bêtise…
- Mais imagine que ce soit vrai ! » s’exclama-t-il brusquement, haussant la voix un peu trop fortement, ce qui la fit se tendre à la recherche du moindre bruit dans la maison qui aurait pu signaler que leurs parents les aient entendu, mais s’il parla plus doucement, il ne s’interrompit pas. « Je t’aime Cam… à en crever. J’ai cru que j’allais tuer Morgan quand il a osé t’embrasser tout à l’heure.
- Dis pas ça… c’est mal, et puis, t’es trop jeune pour dire des trucs pareils en sachant vraiment ce que tu veux dire. Je t’aime aussi, mais je crois pas que ce soit ça. C’est… t’es mon frère. » ponctua-t-elle avec fermeté, tandis qu’elle le sentit s’éloigner d’elle, la laissant se placer sur le dos pour le regarder, savoir si elle venait de le blesser alors que ce n’était pas son but.

Jamais elle n’aurait voulu lui faire de mal, jamais elle n’aurait souhaité être la responsable de la moindre souffrance qui pourrait entailler le dessin de son cœur, lui qui n’était que son autre, son miroir, ce frère qu’elle aimait tant. Mais le piège se referma à cette seconde, alors qu’elle pensait avec l’innocence qui la caractérisait, Rafaël s’abima au-dessus d’elle comme tant d’autres fois, à la différence que cette fois-ci, son visage se révélait bien plus près, et qu’elle n’eut pas le temps d’un murmure que ses lèvres s’emparaient des siennes sous une fébrilité malsaine, la laissant chercher à s’y soustraire tout d’abord, avant de s’y abandonner… Résignée ? Peut-être pas pleinement, tant elle aimait ce qu’il éveillait en elle à cette seconde où le diable se glissait, venimeux spectateur, dans l’ombre de la pièce.

« Ose-me dire que tu ne le désires pas ? Ose-me dire que Morgan te fait le même effet ! » avança-t-il un peu trop fort, avant de se hisser pleinement sur elle, ses lèvres revenant cueillir ce baiser qu’elle ne lui refusa pas, qu’elle pouvait sentir une main s’enhardir sur sa taille… Quand la lumière inonda pleinement la pièce, qu’un juron, suivi bientôt d’une fraicheur redoutable saisissait la jeune femme qui ne put qu’assister impuissante à la prise brutale de leur père sur son frère qu’il venait de repousser dans un coin de la pièce, tandis que Camille se redressait dans son lit…

Les choses avaient rapidement été cataloguées… Rafaël était venu, Rafaël avait voulu, Rafaël était le seul à blâmer, ou presque, puisqu’elle n’avait pas cherché à le repousser, ainsi chacun devrait rejoindre un lieu qui le remettrait dans le droit chemin. Et à cette funeste seconde, la jeune fille ignorait totalement où se trouvait son frère, mais elle était bel et bien là, devant cette fille qui se montrait plutôt curieuse. Certes, Camille ne se faisait aucune illusion, jamais elle n’aurait dû accepter, jamais. C’était mal, et en même temps, qu’était-ce qu’un simple baiser au fond ? Qu’un échange de salive, et quelques esquisses malhabiles de deux adolescents.

« T’as pas l’air bizarre pourtant. » lâcha la brunette, ce qui eu pour effet de la faire sourire… Bizarre… c’était elle qui l’était à…
« Tu croyais que ça serait marqué sur mon front ?
- J’sais pas… p’t’être ouais. Sœur Marie-Madelaine m’a dit qu’il fallait que je t’apprenne les règles ici, mais que je devais me méfier de ton influence. Mais… t’as l’air plus sage que moi.
- Ah oui ? Et pourquoi ça ?
- Ben si toi t’embrasses ton frère, moi j’embrasse les filles. J’m’appelle Léa au fait.
- Moi Camille, mais tu peux m’appeler Cam.
- Comme si t’étais une drogue… » répéta la brunette d’un air songeur. « Bah… la première chose que tu dois savoir ici, c’est qu’on peut tout faire, à condition de pas se faire prendre. »

Et c'est ainsi que j'ai blasphémé le nom du Seigneur à des lèvres de même sexe. Ce fut Léa qui fut la première fille que j'embrassai, la première qui m'effleura... Indécise quant à ce m'attirait le plus... Garçons ou filles, Filles ou garçons. Hum... comme une drogue je n'ai pas de préférence pour le genre de ceux qui me goûtent, à vrai dire, je pense que les anges n'ont pas de sexe, car l'amour s'en moque, il voit plus loin que les apparences.

« Cam… magne ton cul !
- Ouais ouais… » marmonna l’intéressée tout en continuant à fouiller dans les tiroirs du bureau avant de découvrir ce qu’elle cherchait.

Fière d’elle-même, la jeune fille se dépêcha de rejoindre la photocopieuse pour faire en sorte d’emporter les résultats sans que cela ne se remarque. Ainsi, glissant la feuille sous le couvercle, elle actionna le bouton vert qui laissa une frêle lumière et un vacarme monstrueux se faire percevoir dans la pénombre environnante du bureau de leur professeur. Quelques secondes plus tard, le monstre de plastique retrouvait sa tranquillité, tandis que Camille récupérait les deux feuilles, se retournait, et se retrouvait nez à nez avec monsieur il-est-passé-minuit-tu-devrais-être-couché-et-tu-me-piques-mes-résultats-en-pensant-que-ça-ne-se-verrait-pas, tandis qu’un bref regard lui signala que Léa avait pris la poudre d’escampette, sans doute de justesse, mais n’avait pas pensé que son amie risquait d’avoir des problèmes. A moins qu’elle n’ait chuchoté trop faiblement pour que son amie puisse l’entendre. S’adossant donc contre la photocopieuse, elle se contenta de laisser un frêle soupir s’extirper de ses lèvres.

« Ok, j’ai l’air coupable comme ça, et c’est exactement le cas. » commença-t-elle, éveillant une lueur d’intérêt chez l’homme débutant sans doute la quarantaine, qui ne s’attendait sûrement pas à ce qu’elle soit aussi franche. Mais à quoi cela aurait-il servi de mentir ? Elle avait les preuves de sa culpabilité dans sa main, les résultats du prochain contrôle qu’elle n’avait pas prévu de travailler du tout. « Je suis fainéante, et j’ai pensé qu’emprunter les résultats pour m’aider à réviser ne ferait de mal à personne.
- Mademoiselle Hellspin, puis-je savoir comment vous êtes entrée dans ce bureau ?
- Ben j’ai forcé la serrure, mais je vous jure que ça ne se voit pas…
- Et l’ordinateur ?
- Le mot de passe est idiot, c’est le nom du chien du professeur Sterman… Croquette.
- Hum. Je vous propose un marché ; Je ne dis à personne ce que vous faisiez cette nuit, à la condition que vous assumiez la punition que je trouverai juste de vous infliger pour une autre bêtise que j’inventerai.
- C'est-à-dire ? » demanda-t-elle en croisant les bras tout en le regardant d’un air frondeur, tandis qu’un sourire moqueur étirait les lèvres du gardien de nuit.
« C’est à prendre ou à laisser.
- Ok.
- A la fin des cours, rendez-vous au local des produits d’entretient, maintenant au lit. » laissa-t-il filer tout en dardant sur elle un regard appuyé… de toute manière, s’il tentait quoique ce soit, elle serait à même de hurler assez fort pour que toute l’école rapplique.

Mais si elle avait pu croire qu’il parlait de monnayer quoi que ce soit, de coucher avec lui pour acheter son silence, ou d’autres choses plus que rabaissantes, elle se trompait lourdement. Monsieur le gardien il-est-passé-minuit-tu-devrais-être-couché-et-tu-me-piques-mes-résultats-en-pensant-que-ça-ne-se-verrait-pas, et qui s’appelait en réalité Jack, s’avérait être un ancien policier mis en retraite anticipée pour avoir été blessé dans l’exercice de ses fonctions. Un type bien qui s’imaginait pouvoir l’aider à arrêter ses conneries. Après tout, à la place de la laisser sombrer sur la voie du vol et des délits, autant lui inculquer quelques notions importantes, quelques techniques, quelques… En d’autres mots, lui offrir un autre avenir que celui de la rébellion sur lequel elle semblait vouloir persister. Un autre chemin ? Disons plutôt une voie parallèle, puisqu’elle fut toujours une forte tête, de celles qui n’aiment en faire qu’à leur tête, d’autant plus qu’elle n’était pas idiote, et se révélait même plutôt douée.

Ce fut en sa compagnie qu’elle apprit à manipuler des armes à feu, à se défendre… au lieu de zoner stupidement avec les autres filles à la recherche de la prochaine idiotie à faire. En vérité, son accord avec Jack consistait en dix mots : être sage où il ne s’occuperait plus d’elle. Elle préférait mille fois le rejoindre plutôt que de suivre des cours de cuisine, de religion ou même d’anglais. Et cet homme prit peu à peu plus d’importance à ses yeux… s’avérant être une sorte de mentor, de guide, puisqu’elle décida qu’elle finirait par passer le concours pour intégrer la police. Et puisqu’il fallait avoir minimum vingt-et-un ans pour être inspecteur, elle fit trois années de faculté d’informatique, développant des connaissances qui lui seraient sans aucun doute utiles pour la suite.

Elle revint tout simplement à Williamsport lorsqu’elle fut diplômée, et fut acceptée directement au sein de la police durant une année. Une année où elle revit Rafaël, devenu prêtre de son côté, une voie totalement différente de la sienne en un mot. Ou peut-être n’était-ce qu’un moyen de brider ses pulsions envers sa jumelle, puisqu’à l’instant où il la revit, ses prunelles brillèrent d’un étrange éclat qui mit Camille mal à l’aise, la laissant se mordiller fugacement les lèvres. Il la désirait toujours… quant à elle ? Non, elle avait changé depuis le temps, ayant connu des filles, des garçons… Certes, il lui avait manqué, mais pas ainsi. Jamais ainsi. Silencieuse tout d’abord, elle s’était tenue à distance, son regard observant l’église dans laquelle elle se trouvait, avant de revenir s’apposer sur celui dont elle se souvenait encore, quelque part dans sa mémoire, de la saveur des lèvres.

« Salut… ça fait longtemps.
- Tu n’es pas rentrée après la pension. » a-t-il lâché, son regard devenant brusquement plus sombre.
« Non, j’ai continué mes études… toi aussi à ce que je vois. » fit-elle remarquer, tandis qu’un pli amer marquait les lèvres de son frère… non, il n’avait pas réellement choisi, leurs parents avaient dû lui forcer la main au départ, et peut-être avait-il fini par penser, puisqu’elle ne revenait pas, que c’était là la seule chose à faire.
« On aurait pu partir ensemble…
- C’était mal Raf. Et je ne t’aime pas comme ça… »

Elle vit les lèvres de son frère s’entrouvrir, peut-être pour lui dire que lui… mais le visage de la jeune femme qui se referma instantanément, laissa mourir les moindres paroles qui tentèrent de s’esquiver de sa gorge. D’un soupir, trop léger pour être réellement perceptible, la jeune femme s’approcha, déposa un rapide baiser sur la joue de son frère, et tourna les talons sans un mot de plus… laissant juste entre les doigts de ce dernier un numéro où la joindre. S’ils se revirent, Camille fit toujours très attention, marquant plus de distance, une séparation nécessaire à son sens… même si cela lui faisait mal.

Par la suite, elle bénéficia des recommandations de Jack pour devenir inspecteur… des horaires moins rigides, et une plus grande indépendance… enfin, quand on grimpe dans les échelons, ce qui n’est pas encore le cas. Inspecteur de police, certes… mais encore et toujours stagiaire à l’heure actuelle. Sans doute parce que son caractère n’est pas si simple, et puis elle reste jeune et ayant encore besoin d’apprendre, de subir l’influence de l’expérience de ses collègues. Elle, une tête brûlée… de celles qui font de grandes choses, ou bien se font tuées.

Ainsi la vie suivait son cours, la laissant revoir Rafaël à l’occasion… se rapprochant de lui tout en conservant cette fragile distance, ignorant les regards acérés qu’il posait sur les autres qui avaient l’audace de la regarder. Et puis vint ce jour, ce fameux jour… où tout sembla changer, alors que Jack était venu lui rendre visite dans sa petite ville perdue. Jour où il perdit si simplement la vie sous les doigts de…

La respiration plus sourde, l’arme au poing, la jeune femme venait de découvrir la porte de son appartement dans un sale état, la serrure avait sauté, et ce fut sans l’ombre d’un bruit qu’elle pénétra à l’intérieur de celui-ci, observant, vérifiant, jusqu’à parvenir à son salon où elle découvrit le corps inerte et sans vie de son mentor à même le sol, les pieds de Rafaël négligemment posés sur son cadavre comme s’il ne s’agissait là que d’un tapis. La scène avait quelque chose d’incongru, d’improbable, voir même d’impossible… Et si son cœur manqua un battement, ses doigts braquèrent l’arme sur le buste de son jumeau sans la moindre hésitation.

« Bordel… mais qu’est-ce que t’as fait ? Est-ce qu’il…
- Oh il est mort. Regarde… » précisa-t-il avec une arrogance toute neuve, son pied appuyant en un bruit d’os brisé sur le torse de celui qui avait eu tellement d’importance dans la vie de sa sœur.
« Mais arrête ! » s’emporta-t-elle en faisant un pas dans sa direction, quand lui-même se releva, s’avançant vers elle, alors qu’elle resserrait sa prise sur son arme.
« Tu vas m’abattre ? Moi ? Ton propre frère qui t’aime tellement… ?
- Comment… Pourquoi t’as fait ça ? » demanda-t-elle sans parvenir à appuyer sur la gâchette… et puis, quelle excuse aurait-elle eu ? Il n’était pas armé… et abîmer un cadavre n’était pas un crime en lui-même. Ainsi, lorsqu’il parvint jusqu’à elle, l’une de ses mains vint s’enrouler autour de son poignet armé, lui retirant son browning de force, tandis que ses doigts s’enfonçaient dans sa peau, lui arrachant un hoquet de douleur, quand l’arme terminait au sol, et que d’une impulsion brutale, il la plaquait contre le mur sans l’ombre d’une quelconque douceur.
« Rafaël… » murmura-t-elle sans y croire, quand un sourire pernicieux étirait les lèvres de son frère, qu’un étrange éclat brillait dans ce regard qu’elle ne reconnaissait pas… plissant les yeux, elle se contenta de : « Non… qui êtes-vous ? » demanda-t-elle d’une voix plus sourde, tout en se disant qu'elle devenait folle, il ne pouvait s'agir que de lui. Mais les lèvres de son vis-à-vis s’étiraient plus encore, et il assurait sa prise sur elle, alors qu’elle cherchait à se dégager.
« Intelligente… » lâcha-t-il tout en laissant ses prunelles devenir aussi noires que de l’encre, avant de s’approcher de ses traits… « Tu crois que c’est pour ça qu’il a tant envie de te baiser ? » lui glissa-t-il à l’oreille avant de laisser sa langue arpenter sa joue, éveillant une once de dégoût chez la jeune femme. « Parce qu’il est toujours là… quelque part... que je sens son désir… Toi aussi ? »

Sale enfoiré… voici ce qu’il était, un putain de sale enfoiré ! Mais un homme non ? D’un coup de genoux bien placé elle visa, provoquant une subtile douleur dont elle profita pour se libérer par des coups bien précis, avant de se précipiter vers son arme, s’en emparer et… viser ? Rafaël, ou celui qui se trouvait en lui ne se trouvait déjà plus là. Il n’y avait plus rien que le cadavre de Jack dans cette pièce… rien… Et inutile de préciser qu’elle n’avait pas réellement envie de tirer sur son frère. D’un soupir, elle se redressa, extirpant son portable de son sac pour appeler le 911, tandis qu’elle remarquait cette lettre déposée sur un meuble… cette lettre écrite par Rafaël mais dont l’écriture n’était pourtant pas la sienne… cette lettre que le démon avait laissé derrière lui… le début d’un jeu psychologique… d’une guerre.

Froissant le morceau de papier, elle le glissa dans sa poche, tandis qu’elle expliquait calmement une version édulcorée de ce qu’il venait de se passer… L’agresseur dont elle n’avait pas vu le visage, l’avait attaquée dès qu’elle était entrée, visant son poignet… qu’elle voyait bleuir à vue d’œil. Armé… de ses mains, mais des chaines auraient eu un effet similaire. Mais comment pouvait-elle affirmer que son frère… qui n’était pas son frère, avait tué Jack et l’avait blessée à mains nues ?

Si j'aime encore Rafaël ? Je crois que je crèverai le jour où ce ne sera plus le cas. Même entre les filets du diable, il ne m'en attire que bien plus. Aussi peut-être n'est-ce pas mon frère qui me plaît véritablement, mais l'ombre diabolique derrière la chair.

Bah... tout le monde a ses petits défauts, tant qu'on en a conscience, on peut toujours lutter ! Car le paradis a toujours regardé les enfers avec fascination et envie.

Car au fond d'elle, si une étrange attirance la pousse à désirer le monstre, elle n'en est pas moins consciente qu'elle le déteste de toute son âme. C'est par sa faute qu'elle a pris les armes, qu'elle est devenue une chasseuse à ses heures perdues, qu'elle s'est documentée... qu'elle a su apprendre sur le terrain, comme tout bon flic en est finalement capable. Mais à défaut de les mettre en prison, il faut dès lors les renvoyer en enfer.

☜ HUNTERS ☞

La situation est absolument merdique aux yeux de Cam, inutile de prétendre qu'elle l'apprécie quand elle a dors et déjà pris les armes. Au fond, si sa première raison est la mort de Jack, la possession de son jumeau y est bel et bien pour quelque chose également, plus encore, quand stupidement, elle se sent toujours attirée par lui... mais surtout par le démon, puisqu'elle ne l'était plus réellement par lui lorsqu'elle est rentrée. Le monde ne se limitait plus qu'à Rafaël à ses yeux, il était juste bien plus vaste. Aujourd'hui, ce dernier semble s'être à nouveau rétréci, et elle a pris les armes par vengeance. Et si elle n'est pas encore capable de tuer ce qu'il reste de son frère, elle ne désespère pas de l'être un jour... ou à défaut, de le renvoyer en enfer, et à terme, de trouver un moyen de tuer cette saloperie une bonne fois pour toute. En en tuant d'autres en chemin... elle n'est pas raciste à ce sujet, bien au contraire.

Aussi chasse-t-elle lorsqu'elle n'est pas en service, et parfois même, se sert de son boulot pour trouver des pistes et des infos.

c. Lsi