« L'adolescence, c'est comme l'art : tout le monde critique, personne comprend »

Qu'est-ce que l'on ne pourrait faire par défi ? Bon, y'a des limites. Ça, c'est ce que tout le monde se dit. Mais – mouahahaha – moi, je n'ai pas de limites. Donc, jusqu'où aller ? Jusqu'au bout ? La fin de la fin (de la fin ) ? Je n'en ai aucune idée, tout ce que je sais, c'est que je le ferai, point barre. C'est suffisant. Voire trop. Je ne sais pas, je m'en fiche; du moment qu'un simplement amusement peut me faire sourire ou rire.. Le matin s'était bien passé. Alors réveillé chez moi, sur un matelas dont même une couverture n'aurait pas été de trop. J'avais viré les fêtards de la nuit dernière, avant de manger pensivement un peu de Fluff tartiné sur une tranche de pain de mie sûrement périmée. Une fois habillé, je m'étais de mauvaise grâce dirigé chez mes parents pour accompagner Zakhariel à l'école avant de recommencer mon rôle de junkie délinquant, sous les regards désobligés des gens alentour. Jusque là, tranquille. Normal. Cool. Calme. Que dalle. Chiant. C'était tout naturellement que je m'étais dirigé vers l'ouest puis le sud de Williamsport, tout d'abord pour faire le plein de drogue ensuite pour rejoindre ces audacieux élèves qui faisaient l'école buissonnière et qui étaient, par définition, sympas. Et c'est sur une phrase comme une autre que le cap ou pas cap avait commencé. D'où mon introduction de la mort qui tue. Je suis trop fort. Brillant. Trop cool. Je suis.. ouuuaaaahhh. « Cap de donner ton sac à un clochard dans la rue ? » La jeune femme, d'abord outrée, me jaugea de haut en bas. Elle crut comprendre que cela ne suffisait pas, d'après sa petite moue et son regard alarmé. Enfin, ses prunelles azures glissèrent sur son sac, où la marque était tellement flashy que je crus que je ne reverrai jamais mes yeux (ahah). J'ai haussé les épaules, genre « c'est le jeu, ma pauvre Lucette » ce qu'un certain Flynn a dit à haute voix, afin que tout le monde le prenne pour un 'trop beau, trop waouh, trop brillant, trop fantastique, SO QUATER-BACK !' – car Flynn était capitaine ET quater-back, enfer et damnation. Non pas que je m'y intéresse (je ne suis pas de ce genre, non), c'était juste qu'il nous avait rabâché de ses talents il y a dix minutes.. et dix minutes avant.. et dix minutes avant.. et dix mi- « Nan, va crever, s'pèce de junkie ! » J'ai haussé les épaules. Silence, de tout le monde. Balle à moi. Je dois la lui renvoyer. Enfoirée, vas-y, va lui donner ton pauvre Vuitton en toc, rhow ! Je me suis levé, posant une main réconfortante sur l'épaule de la jeune femme scandalisée, alors que ma sucette pomme perdait de son goût. « Bah alors.. tu abandonnes, c'est ça ? Tu fais ta lâche ? » Elle frissonna. « J'te permets pas. » Je sentais derrière moi nos spectateurs qui suivaient ce petit débat, des étoiles plein les yeux. « Pas besoin de ta permission. Et tu sais, ma pauvre Molly.. » « Mary. » « La même. Ma pauvre Mary, tu sais, les choses que l'on possède finissent par nous posséder. » Je tiens à remercier Jean-Louis de la Rurà qui m'a permit d'accéder au tapis rou- « ..ok, je le fais. Mais tu dois faire ce que je te dis, après. » J'ai souri, déposant un baiser insolent au coin de ses lèvres. « Mais c'est le but du jeu, ma pauvre Molly. »

Une fois qu'elle eut fait sa besogne, elle se tourna vers moi, trop fière de ce qu'elle venait de faire. C'était idiot. Elle était idiote, cette Molly. C'est elle, en plus, qui avait absolument tenu à jouer à ce jeu. Nous étions dans le parc. Un heureux gagnant repartait avec un faux sac Louis Vutton, abasourdi, alors que nous étions assis sur un banc. C'était mon tour. Comme on le sait, dans un jeu comme cap ou pas cap, il est inutile de dire : pas cap. Quolibets, insultes, provocation, ensuite, tout y passe. Molly arborait un sourire triomphal, légèrement sadique aussi. « Alecsandar... » J'ai souri à la blonde platine, avant de remettre une de ses mèches de cheveux derrière son oreille que j'estimais refaite. « C'est mon nom, c'est bien. » Moue, grimace. Elle se leva, pointa un doigt accusateur sur moi, avec un air si content que n'osais pas casser son effet. « ..cap ou pas cap.. » Pause théâtrale. « Tu kiffes le suspens, toi. » Ricanements. Elle s'empourpra. « Ta gueule. Pas cap de voler un truc à la boutique du musée. » Elle désigna ce dernier d'un vague geste ; tout le monde se tourna vers le monument dans un même mouvement. Stupéfaits. Nous l'étions tous. Molly était contente de son effet, encore une fois. Tout le monde se retourna vers elle et elle fit un pas en arrière, inquiète. « Attends, tu déconnes? Trop simple ! En plus cette boutique est genre.. trop pas sécurisée ! » J'ai ricané, les autres aussi. Elle a serré les poings. Tss. « Tu te défiles ? » Silence. « Ok, ça marche. Attends-moi. » Décidé, je me suis dirigé vers le musée. Je suis entré en trombe. Toujours de mauvaise grâce, ai payé mon entrée puis, soufflé, ai mis du temps à récupérer le ticket qu'on me fourrait entre les mains. C'était pas mal, en fait, ici. En mars, Williamsport n'était pas encore une période estivale, ainsi, les touristes n'avaient pas encore pris possession des lieux. Le marbre faisait résonner les pas des quelques personnes présentes. Notamment, moi, tiens. Un haut plafond, très beau. C'était pas ici, le truc où le plafond est trop magnifique et le plancher trop pourri ? Ah nan, c'en Italie. T'es con, Alec, pensais-je en arrachant le ticket des mains du caissier. J'étais déjà venu ici, je crois. Une fois, peut-être. Mais je ne me souvenais pas très bien. Je pris une carte. J'avais peur de me perdre – je haïssais les endroits du genre, trop vastes, trop longs – et rentrais dans la section européenne de la chose. Je traversais tout en quatrième vitesse. Je n'aimais pas cet endroit. Il était un peu oppressant, il fallait avouer. Finalement, enfin, mon Graal. Après m'être attardé sur un tableau du dix-huitième – j'étais à deux doigts d'y coller le chewing-gum qui avait remplacé ma sucette pour faire un plus beau nez au portrait – je voyais enfin la boutique souvenirs. Sourire carnassier, je m'approchais. Je m'éloignais le plus possible de la caisse. Le dernier rang. Aka les légendaires boules de neige. Oh la merde, certes, mais c'est déjà ça. Je fais en sorte d'en choisir une jolie, pour Molly. J'en chipe une et la mets dans ma poche. L'air détendu, genre personne n'a rien vu ni entendu – je me doutais que le caissier, aux yeux fermants, avait tout loupé du spectacle –, je me dirigeais vers le portique, dernière épreuve. Allez, Alec. Montre moi ce que tu peux faire, m'encourageais-je. Je franchissais le portique d'un bond, avant de détaler de tout mes maigres membres. Quelques mètres. Dix. Et ensuite, je sors du musée, et j'ai gagné. Derrière moi, l'alarme couinait. Cours, Alec, cours !

Spoiler: