« Jericho! » « Quoi? » « Papa a dit qu’il m’emmènerait voir Star Wars! » Les yeux de la jeune fille s’embrasèrent. « Et moi ? » « T’es une fille ! » Le coussin que son frère se prit en pleine figure lui coupa le souffle. « Et alors ? J’viens de te mettre la paté, là ! » Grommelant, le frère de Jericho se releva, les joues empourprées. Il se jeta sur sa sœur, avec pour seule arme ledit coussin -qui, au passage, n’avait rien demandé, et qui avait juste été là au mauvais endroit au mauvais moment- qu’il brandit fièrement, avec la ferme intention de faire regretter ses paroles à sa prétentieuse de sœur. Le temps que son frère ne se mette en garde, Jericho avait saisi à son tour un coussin. Durant un bref instant, frère et sœur se fixèrent dans les yeux, et la scène avait tout l’air d’un ancien western. Manquait plus que la musique, le décor, et tout y était ! Les deux coussins fusèrent dans l’air et se percutèrent à mi-chemin de leur trajectoire. « J’ai pas besoin d’un coussin pour te mettre la raclée de ta vie, tu vas voir ! » Ce fut au tour d’Abygael de s’empourprer. Elle détestait quand son frère agissait ainsi. Il avait beau être de deux ans son aîné, il n’avait pas le droit de la traiter ainsi. Elle se jeta sur lui, et s’en suivit une lutte intense au sol, dans laquelle tous les coups étaient permis : la morsure, les griffures, les coups de pieds, les coups de coudes … les tirages de cheveux. Eh ! Non ! Ça, c’est pas du jeu ! Au moment ou le jeu se transformait en bataille féroce, les deux parents firent irruption dans la salle de jeu, et chacun d’entre eux saisirent les enfants. Et ils avaient beau mettre les points sur les i, à chaque fois, c’était la même chose. Jericho et son frère ne pouvaient s’empêcher de se taper dessus.
Au final, Mr Callaghan emmena ses deux enfants voir l’épisode de Star Wars. Vous croyez que l’épisode est clos ? Non, ça ne faisait que commencer.


La nuit recouvrait de ses bras rassurants la ville. Alors que l’aube n’allait pas tarder à pointer le bout de son nez, un seul habitant, dans la maison des Callaghan, était encore debout. Le fils aîné, désormais âgé de seize ans, planté devant l’écran de son ordinateur. Lorsqu’il jeta un œil à la fenêtre et qu’il vit les premiers rayons du soleil percer l’horizon, un sourire mesquin s’afficha sur ses lèvres. D’un bond, il se leva, et se précipita dans le couloir. Là, à pas feutrés, il s’approcha de la chambre de sa sœur, âgée de quatorze ans. Il sourit à l’avance de ce qu’il allait faire. Il ouvrit doucement la porte, et entra dans la chambre. Soudainement, il se jeta sur le lit de sa sœur, en hurlant que la fin du monde était arrivée. Il ne rencontra que les plumes de l’oreiller et du martelât. Déçu, il se releva, et s’assit au bord du lit. Il fut réexpédié aussitôt sur le lit, par un édredon balancé d’un coin de la pièce. « J’aurais dû m’en douter » marmonna-t-il. Sa sœur apparut dans la lumière naissante, un autre édredon dans les mains. « Implore ma pitié, félon ! » cria-t-elle, menaçante. « Jamais, Sith ! » rétorqua-t-il férocement. « Ah ? Bon tant pis, j’t’aurais donné le chocolat que j’ai piqué dans l’armoire, tout à l’heure. » Les sourcils de son frère se haussèrent et il lâcha l’édredon qu’il s’apprêtait à utiliser comme défense. « Je me rend ! » clama-t-il en levant les mains. Sa sœur explosa de rire et lui jeta le paquet de chocolats.
Ce que l’histoire ne dit pas, c’est que ces deux-là furent punis par leurs parents pour tapage nocturne …

Jericho,
Je sais que tu ne comprendras pas, si je t’explique, alors je ne le ferais pas. Je te demande juste d’accepter le fait que tu ne me verras plus aussi souvent qu'avant. Comprend-moi, je ne peux rester enfermé éternellement, tu me connais. J'ai pris un appartement en ville. Et puis, j’ai enfin découvert ma voie, celle que mon instinct me guidait. Je suis né pour ça, je le sais. Je ne peux t’en dire plus, ce serait insensé, surtout par lettre. On ne sait jamais dans quelles mains mal intentionnées elles peuvent tomber. Sache seulement que le monde n’est pas celui que nous croyons, que tout n’est pas régi seulement par le bien et le mal … Ce monde-là était bon pour nos enfantillages. Je sais que je vais te manquer, Djerr, et tu me manqueras aussi, mais après la mort de maman … j’ai besoin d’air, tu comprend ?
Même si c’est dur, accepte-le, petite sœur.
Ton frère qui t’aime.

Elle avait eu du mal à l’accepter. Toutes ces cachoteries … Elle l’aurait tué sur place s’il était revenu la voir, ne serait-ce qu'un instant, ou si elle l'avait croisé en ville. Mais il n’était pas revenu. Et tout avait changé. Bien sûr qu’elle avait appris à vivre sans lui, mais ce n’était juste plus pareil. Son père avait sombré dans l’alcool suite à la mort de sa mère, et cette lettre était la seule chose qui lui restait de son frère. Milles fois, Jericho l’avait maudit. Elle avait voulu déchirer la lettre, en faire des petits morceaux, la brûler … mais elle ne l’avait pas fait.
Et puis, il y a cinq mois, peu après le départ de son frère, les migraines étaient arrivées. Tout d’abord, ce n’était que de vulgaires mal de tête, et Jericho n’y prêta pas attention. Mais au fur et à mesure que les jours passaient, ils empiraient. Elle était allée voir un médecin, avait fait des examens … mais rien, selon ce dernier, elle était en parfaite santé. Et il y a un mois, son frère a réapparut. Elle mourrait d’envie de lui coller un pain, mais ses migraines la rendait fiévreuse, brûlante, même. Il savait qu’elle lui en voulait de ne rien lui dire, de lui cacher ce genre de choses … Mais bientôt il s’avéra qu’il n’avait pas le choix, qu’il devrait lui dire la vérité.
Ils faisaient les courses au supermarché, quand la discussion revint sur le sujet tabou, mais cette fois-ci, Jericho ne lâcha pas l’affaire. Elle s’énerva, et sa colère se confondit avec son mal de tête. Et ce fut aussi soudain qu’inattendu. L’instant d’avant elle fixait rageusement une brioche, et l’instant suivant, sous ses yeux éberlués, la brioche prenait feu. Témoin du spectacle, son frère l’écarta du feu, et ils sortirent du supermarché, dont les alarmes incendies s’étaient déclenchées. « Bordel, mais qu’es-ce qui..? » avait-il commencé. Jericho avait levé les bras au ciel. « Qu’es-ce que tu veux que j’en sache ? » lui avait-elle balancé à la figure. « Calme-toi, Djerr. » « Que je me calme ? Que je me calme ? » sa colère était encore telle que sa migraine empira ; l’herbe qu’elle fixait s’embrasa. Et cette fois, elle comprit. C’était elle.

Aujourd’hui, Jericho sait pourquoi son frère l’avait quitté, et elle en est fière. Il lui a dit pour les démons, elle sait, bien qu’elle n’en ai encore jamais vu ou affronter un. Son frère est devenu un chasseur, et il compte bien faire de sa sœur une arme terrifiante contre les démons … lorsqu’elle saura contrôler son pouvoir de pyrokinèsie. En attendant, il lui apprends à se servir des armes, pour se protéger.

☜ CHOSEN ☞

« Je ne sais pas trop comment réagir. Oui, j'ai été choisie. Mais ça ne fait pas de moi une héroïne de dessins animés ou de films. De ce que m'en a dit mon frère, c'est loin d'être un super job.. Mais (oui, il y a toujours un mais.) d'après aussi ce qu'il m'en a dit, je ne peux pas refuser ce don. Car c'est ce que c'est. Un don. Et je compte bien m'en servir, du moins, quand je servais parvenue à le contrôler. Des démons arpentent le monde, et l'Autre là-haut ne daigne pas envoyer ses anges pour nous aider. On n'a pas besoin de lui. Je me chargerais personnellement de renvoyer ces démons à leur maître, à leur place, c'est à dire six pieds sous terre, dans les Enfers. »

c. mortgraphics