AARON ϟ MARY
(C) BLINI SOUL & LIVEJOURNAL

« Mademoiselle Jones vous êtes toujours parmi nous ou vous pensez que votre identité vous met au-dessus des autres ? ». Mary se réveilla dans un sursaut, posant son regard perdu sur son professeur d'histoire contemporaine. La demoiselle avait tendance à ne plus très bien dormir la nuit, non pas qu'elle était tracassée par quelque chose mais c'était simplement que dernièrement elle avait du mal à trouver le sommeil, mais c'était une habitude pour elle, Mary avait toujours une période - ou plusieurs - dans l'année où son sommeil était plus que léger. Résultat, elle s'endormait en cours et ce même si ce qu'on lui enseignait la passionnait, ses paupières devenaient bien trop lourdes pour qu'elle puisse les garder ouvertes et ses yeux piquaient à tel point que malgré ses efforts elle s'endormait. Ce n'était pas la première fois, ce n'était pas le premier cours où elle piquait du nez sans parvenir à se retenir, seulement ses notes étaient le plus souvent excellentes si bien que ses professeurs lui permettaient ce petit écart. Malheureusement, tous ne pensaient pas de la même façon et surtout pas son professeur actuel qui avait la fâcheuse tendance à tout le temps la prendre de haut, ce qu'elle avait du mal à supporter mais elle était bien trop intelligente pour entrer dans son jeu. Bref, tout cela pour dire qu'une fois de plus Mary s'était endormie en cours et que son professeur - malgré tous les étudiants présents dans l'amphithéâtre - l'avait bien remarqué et il s'était fait un malin plaisir à la réveiller. Néanmoins, la jeune femme se contenta de le regarder sans rien répondre, son visage était impassible et elle savait que cela avait tendance à agacer l'homme plus bas, impossible de savoir si elle était gênée ou si elle se moquait de ce qu'il lui disait, en plus de ça il se pendait drôle avec sa petite référence à son second prénom et nom de famille qui rappelait sans aucun problème une anthologie bien connu et qu'elle-même appréciait beaucoup. Après quelques minutes à soutenir son regard, son professeur retourna à ses propos tandis que la jeune femme recommença à prendre des notes pour finalement se sentir libre lorsque la sonnerie raisonna dans tout l'amphithéâtre. Mary rangea rapidement ses affaires dans son sac et quitta sans plus attendre les lieux.

Mary bénéficiait de la chance de connaître Williamsport comme sa poche et également du fait de ne pas être une demoiselle feignante, rentrant donc chez elle à pied, les écouteurs de son Iphone dans les oreilles tout en pianotant sur l'écran, répondant à l'invitation d'une de ses amies le soir même dans le bar qui était le moins à fréquenter de la ville. Mary savait que ce n'était pas vraiment une très bonne idée d'accepter de se rendre là-bas, surtout lorsque, comme elle, on possède un don inné pour se mettre dans les problèmes, mais elle en avait bien besoin. Mary avait besoin d'un bon verre étant donné que le lendemain serait l'anniversaire de la mort de son père ... anniversaire, la jeune femme n'avait jamais réellement comprit la raison pour laquelle on appelait cela un anniversaire, ce mot sonnait trop joyeux pour être employé pour parler d'une mort, donc temps qu'on ne lui proposait pas de drogues où qu'on ne la plantait pas avec un couteau tout irait pour le mieux. Après une bonne vingtaine de minutes de marche d'un pas rapide, Mary arriva à destination, une maison qui appartenait à sa famille depuis plusieurs années. Ses parents n'avaient jamais envisagé le déménagement même lorsque son père avait commencé à gagner un peu plus d'argent sans doute parce qu'il y avait trop de souvenirs ou alors parce qu'elle était bien située ... Mary elle-même n'était pas parvenue à la vendre, même si certains souvenirs étaient douloureux, elle tenait trop à cette maison pour s'en séparer, trop nostalgique sans doute. La jeune femme pénétra dans le hall d'entrée silencieux, jetant ses clés sur le meuble après avoir claqué la porte, laissant le bruit raisonner dans tout le rez-de-chaussée. Sa veste hottée ainsi que ses bottines, la jeune femme marcha en chaussettes, traversant le petit couloir pour arriver dans le salon où elle jeta son sac sur le canapé pour s'y laisser tomber à son tour, saisissant la télécommande. Mary ne mit pas de temps à piquer du nez, s'endormant devant une émission télé-réalité qu'elle ne regardait que pour dormir, ne supportant pas ce genre d'émission, tant pis pour ses cours, elle les travaillera plus tard.

Il faut croire qu'il fallait qu'elle soit sans cesse réveillée dans un sursaut. Cette fois ce fut la sonnerie ACDC de son portable qui la réveilla dans un sursaut, la forçant à se redresser dans un petit bond. Mary attrapa son téléphone après avoir fouillé dans son sac de cours levant les yeux au ciel lorsqu'elle remarqua qu'il s'agissait de son réveil, un rappel au cas où elle s'endormirait afin de se préparer pour ne pas être en retard. La télévision éteinte, la jeune femme monta à l'étage prendre une longue et bonne douche chaude au point de devoir laisser la porte ouverte afin de laisser la vapeur s'échapper lorsqu'elle alla dans sa chambre. Enroulée d'une serviette moelleuse, Mary resta quelques instants debout, face à son dressing, fronçant son petit nez en regardant les divers vêtements qu'elle avait là-dedans. Son choix fait, Mary enfila une jupe volantée blanche avec une large bande au niveau de la taille qu'elle serra à l'aide d'un lacet et une chemise noire toute simple. Ses cheveux récemment devenus bruns restèrent détachés et ondulés, enfin prête la jeune femme redescendit, attrapa son sac à main et sa veste pour quitter une nouvelle fois sa maison et se rendre dans sa Chevrolet, son petit bijou. Au moins cette fois-ci elle ne mit pas vingt bonnes minutes à aller dans le centre-ville, lui évitant ainsi d'être en retard alors qu'il était déjà un peu plus de vingt heures. Arrivée non loin du Dylan's candy bar, la jeune femme préféra se garer quelques rues plus loin afin d'éviter à sa voiture des mésaventures. Et oui, personne ne touche à son bébé, sa Chevrolet Camaro était son petit trésor qu'elle avait eu lorsqu'elle se trouvait encore à New York et ce qu'elle avait aimé se balader avec elle dans les rues de la grande pomme. Bref, une fois garée, la jeune femme marcha d'un pas tranquille avant d'entrer dans le bar déjà plein de monde. La jeune femme préféra éviter tout contact visuel, se dirigeant directement vers le bar où elle décida de commencer doucement avec une bière. Oui une bière, Mary aimait cela et elle le devait à son père. Elle se souvenait encore du jour où il lui avait fait goûter alors que sa mère était en ville, Mary avait tout recrachée, mais son père avait insisté pour qu'elle retente le coup et finalement ... et bien elle en buvait au moins une fois par jour.

Seule au bar, la demoiselle sirota tranquillement sa bière, jouant nerveusement avec son verre, signe qu'elle commençait à perdre patience tout en se sentant de moins en moins à son aise dans cet endroit. Mary sortie son portable de son sac, poussant un long soupire de désespoir lorsqu'elle vit l'heure affichée sur l'écran, ses amies avaient déjà une bonne demi heure de retard et dire qu'on la disait impatiente ... Finalement, la jeune femme commanda une seconde bière, quitte à faire passer le temps autant le faire en compagnie d'une bière puisqu'autrement elle était tristement seule. Ce ne fut qu'au bout d'une quarantaine de minutes de retard que Mary reçue un message lui annonçant que ses amies ne pouvaient pas venir et qu'elles étaient désolées. Ça elles pouvaient l'être désolées, maintenant elle se retrouvait comme une idiote, seule dans ce bar pas réellement très bien fréquenté. Bien sûr elle connaissait le propriétaire étant donné qu'elle vivait ici depuis toujours et surtout que son père l'avait eu comme client lorsqu'il était encore avocat. Du coup, Mary savait que si jamais quelqu'un venait lui causer des problèmes - même si elle s'en créait très bien toute seule - le patron viendrait à son secours, c'était ça l'avantage d'avoir grandi à Williamsport et de porter le nom d'un ancien avocat devenu marine pour mourir dans l'exercice de ses fonctions. Un nouveau soupire s'échappa des narines de la jeune femme qui recommença à jouer avec son verre, son regard se perdant dans le vide tandis que la bière tournoyait tranquillement en suivant le mouvement répété de la jeune femme.

Un bruit d’eau qui coule au fond d’un verre retentissait dans le silence pesant de la maison. Aaron rentrait tout juste d’un cours fort passionnant qui lui avait valu un petit somme, il découvrit son Père à l’endroit habituel où il se trouvait toujours. Dans un fauteuil en cuir, placé devant la fenêtre de laquelle il observait les rares passants en soupirant lourdement. Le jeune homme avançait d’un pas lent et feutré, il déposait son sac dans l’entrée et arrivait près de son paternel, lui arrachant la bouteille de whisky des mains. « Mais qu’est ce que tu fous ? Je t’avais demandé d’arrêter ! ». L’homme fier et froid détournait les yeux vers son fils, l’air renfrogné. « Rends-la-moi. ». Aaron signait à la négative, peu désireux de négocier. « Cette saloperie est entrain de tuer et toi t’en as rien à cirer, donc non, je ne te la rendrais pas. ». Le Paternel se levait en titubant, visiblement décidé à récupérer l’objet de son vice mais le jeune homme ne l’entendait pas de cette oreille et il reculait vers l’autre fenêtre, l’ouvrait, et menaçait de vider le contenu dans les fleurs se trouvant juste en dessous, à l’extérieur. Son père lui jeta un regard noir, comme s’il aurait pu l’étrangler pour ça mais Aaron ne flanchait pas, il finissait par verser le contenu restant dans la terre, subissant une énième fois les cris, les pleurs et les insultes d’un Père qu’il avait respecté et qu’il respectait toujours.

Ce soir là, Aaron n’avait pas franchement envie de rester seul dans la chambre miteuse qu’il occupait dans ce maudit motel. Non, il avait envie de changer d’air, de voir du monde et de se changer les idées, voilà maintenant plusieurs jours qu’il se torturait l’esprit, ressassant ses erreurs et celles de sa famille, car il y’en avait des fautes de parcours. Le jeune homme éprouvait toujours quelque chose lorsque le liquide ambré passait dans le fond de sa gorge, le même liquide qui avait terrassé son Père bien trop torturé psychologiquement. Il se surprenait même à se demander s’il finirait de la même manière, il ne le voulait pas, mais le destin jouait tellement de tour aux Hoffman malgré « leur fortune » qu’Aaron était persuadé qu’il finirait mal, tué par quelqu’un ou par quelque chose. Drôle de pensée pour quelqu’un qui se disait « parfaitement bien dans sa tête ». Il emportait quelques billets et quittait le motel, marchant un peu, faisant bien attention d’éviter tout flic suspect, il savait parfaitement dans quel bar il allait aller, là où tout ceux qui voulaient être tranquilles –ou presque- se rendait, le barman lui-même ne cherchait pas de crosse au jeune homme alors qu’il savait très bien qu’il risquait gros si les flics passaient dans le coin. Oui, tous les vieux habitants de Williamsport connaissaient presque entièrement l’histoire des Hoffman. Tragique. Et beaucoup s’étaient fait une opinion sur l’un des deux fils jugé étrangement distant, dérangé ou encore violent, c’était une bonne chose qu’il soit en prison. Qu’il soit ? Malheureusement pour eux, il n’y était plus. Et ça ne semblait pas les perturber puisqu’il les côtoyait sans qu’ils ne s’en rendent réellement compte. Aaron franchissait finalement les portes du bar, il était visiblement bien rempli, tant mieux, il pourrait passer presque entièrement inaperçu, c’était plutôt bon signe. Son regard passait de tables en tables puis enfin sur le comptoir, c’était là qu’il y’avait le plus de place, et de toute manière il se plaçait rarement ailleurs. S’avançant lentement, Aaron réfléchissait à ce qu’il allait commander, une bière ou un Whisky ? Le chois semblait dur ce soir, lequel était le plus judicieux ? Le whisky pour oublier ou la bière pour se détendre ? Au bout de quelques minutes, le chasseur optait pour une bière, hors de question de finir bourrer pour cette fois, il s’installait nonchalamment au bar et saluait le barman d’un signe de tête sans prêter attention à la jeune femme qui se trouvait juste à côté de lui, le nez dans son verre –ou presque. Aaron aimait analyser les gens, leurs attitudes, ainsi son regard se posa sur plusieurs personnes. L’une était visiblement entrain d’attendre un Prince Charmant qui ne viendrait pas, si bien qu’elle tentait de se faire offrir des verres par d’autres hommes un peu plus bourrus. Un vieillard sirotait un verre de vin, celui-là devait sûrement sortir d’une sale journée et il était venu jouer les riches d’un soir. Puis son regard se posait enfin sur sa voisine, une jeune brune qui semblait déçue. Aaron ne l’avait jamais vu avant, et encore moins dans un endroit de ce genre, elle devait probablement avoir planifié quelque chose, mais quoi ? Oh il aurait pu entamer la discussion s’il n’était pas aussi imbu de lui-même ou encore distant et peu sociable –uniquement quand il le voulait ceci dit.

Le barman revint quelques minutes plus tard un grand verre de bière en main. « Hey Aaron, comme d’habitude il me semble. ». Il déposait le verre sur le comptoir et le jeune homme envoyait déjà les billets en le remerciant d’un signe de tête. Le barman ne cherchait jamais plus loin, il ne voulait pas lui sortir les vers du nez, il était un des rares qui laissait parler Aaron uniquement quand il le voulait, sans jamais l’y obliger. Le chasseur sourit et but une gorgée de sa bière fraîche en soupirant, elle était affreusement agréable et il se régalait. Son attention venait toutefois se reposer sur la jeune femme et son verre quasi plein, tenterait-il une phrase courte ? Peut être. Il pinçait les lèvres et décidait finalement de dire quelque chose, après tout il était là pour se détendre, et avec un peu de chance, la jeune femme ne saurait pas qu’il était « de la vermine » comme pouvaient dire certains.

« Ce serait dommage de la gâcher. ». De quoi parlait-il ? Mais de la bière bien sûr ! Il ne fallait pas trop lui en demander non plus.

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