Ils avaient franchis la porte d’entrée, l’un se précipitant déjà vers la fameuse chambre, l’autre restant déjà en retrait, avançant d’un pas lent. Après avoir salué son père et passé de longues minutes à monter les marches, le garçonnet s’arrêtait devant la porte à semi ouverte, incapable de franchir celle-ci. Aucun son ne sortait de sa bouche, il se contentait de rester là, de loin il entendait son frère raconter sa journée, comme toujours. Le petit garçon était devenu quasiment invisible dans ces moments là, ce ne fut que lorsque leur Père gravit les marches à son tour qu’il comprit que ça allait saigner dans le coin. Impassible, il levait les yeux vers son paternel, un sourire se dessinant sur ses lèvres, il n’avait rien fait. Oh il aurait pu prévenir son autre ce jour là, mais depuis que leur mère était alitée il ne parlait plus vraiment, comme s’il était devenu presque muet. Le garçon ne l’ouvrait que lorsqu’il le jugeait nécessaire. Le dernier jour de la vie d’Eve Hoffman, il se trouvait toujours là, juste derrière la porte, son père était il ne savait où et il osait finalement rentrer dans la chambre, à pas feutrés. Le garçonnet avançait, lentement, ne voulant pas troubler le silence ambiant de la pièce –ou plutôt le silence morbide-. Une fois arrivé au bord du lit, il s’asseyait doucement et la regardait dormir sans un mot, Eve ouvrit finalement les yeux, sentant sûrement la présence de l’un de ses deux fils, elle les différenciait plutôt bien. Au caractère. Grayson était différent de lui, il ne le haïssait pas, mais la situation les avait en quelques sortes séparés et ce n’était que le début du gouffre qui se creusait entre eux. Sa mère passait tendrement une main dans ses cheveux, main que le petit garçon venait attraper doucement, seul signe prouvant combien il pouvait l’aimer. Après tout, quel gamin n’aimait pas sa mère ?

« Aaron, file maintenant… ».
Il s’exécutait déjà, il savait que ce n’était pas réellement une réprimande, il avait tenté de lui expliquer, à ce Père qui pouvait se montrer aussi dur et froid depuis que la seule femme de la maison se trouvait coincée dans sa propre chambre. La seule femme qui les quittait cette nuit là, laissant un vide mais également une cassure dans cette petite famille qui vivait pourtant si bien malgré les aléas de la vie. Les Hoffman n’avaient jamais été à plaindre, étant plutôt aisés, ils avaient toujours eu ce qu’ils voulaient, mais à croire qu’être riche avait un prix. Le Père Hoffman l’avait comprit et s’était vite enfermé dans son malheur après la mort de sa femme, ne faisant qu’augmenter encore et toujours le gouffre présent entre ses deux fils. Ils auraient dû être unis, presque main dans la main, et pourtant, l’un réconciliait son Père à longueur de temps comme il le pouvait, l’autre… Allez savoir. A croire qu’il y’avait la préférence qui était en jeu, le tout mélangé à une certaine jalousie. Aaron n’appréciait pas la relation « particulière » que pouvait avoir Grayson, ce sentiment de jalousie il le connaissait, c’est pourquoi il s’était sûrement rapproché de leur Père, obéissant sans broncher, même s’il ne prenait pas une pente très positive. Un jour d’école comme les autres, le petit garçon rentrait chez lui, ce n’était pas sans compter les commères du quartier qui prenaient un malin plaisir à déballer leur malheur à tout le monde.
« Il paraît qu’un des petits aurait ignoré sa pauvre mère jusqu’au dernier jour. »
« Le petit Aaron il me semble ? »
« Oui je crois que c’est ça, il ne parle quasiment plus d’après Georgie, gardant le silence et se contentant de vous regarder d’un œil mauvais. Il va mal tourner ce petit, que fait donc leur Père ? ».
C’en était trop pour le garçon qui avait tout entendu, sans ménagement et en colère, il se rendait près des bonnes femmes et venait donner un coup de pied dans le tibia d’une des deux commères. Nul doute sur le fait qu’elles n’apprécièrent pas, l’une comme l’autre, pestant de plus belle sur le fait qu’il allait mal tourner. Qu’est ce qu’elles en savaient ? Le Père Hoffman avait entendu le raffut et avait immédiatement rattrapé ce fils qui venait d’exprimer sa haine par la violence. Ce jour là fut comme un déclic, puisque même dans les bras de son Père il hurlait déjà un « Bitch » en direction de la femme qu’il venait de frapper, il venait miraculeusement de retrouver la parole et savait qu’il ne garderait plus le silence quand quelque chose le dérangerait. Oui, la mort d’Eve Hoffman avait bel et bien laissé un grand vide et peut être même amené une malédiction au sein de cette famille. Ce jour là, le jeune Aaron se rendait compte de la dureté de son Père. Même si son Père l’aimait, son attitude ne l’avait pas laissé de marbre et il comptait bien se faire entendre, la maison aurait presque pu trembler. Ce jour là marquait à vie le petit garçon.

Bien des années s’écoulèrent, Aaron n’était plus ce petit garçon silencieux que tout le monde trouvait étrange à l’époque. Non. La vie avait continué son petit bout de chemin et le jeune homme suivait son Père comme son ombre et s’il ne le croyait pas auparavant, il savait très bien aujourd’hui que le caractère du Paternel avait fini par déteindre sur lui, le rendant froid, parfois même instable. Grayson avait quitté le domaine familial pour s’occuper de sa petite personne, autre élément qu’Aaron n’était pas prêt de lui pardonner, il les avait laissé là, voilà que la jeune homme devait s’occuper de leur Père qui n’allait pas en s’arrangeant, l’alcool étant à présent devenu une part entière de son organisme, coulant dans ses veines comme un poison qui le rongeait à petit feu. Voilà qu’aujourd’hui, il était encore obligé de voir l’un des membres de sa famille s’éteindre lentement, l’obligeant à se renfermer davantage sur lui-même et sur sa pente houleuse. Contrairement à son jumeau, Aaron ne voyait pas vraiment l’intérêt des études, préférant en faire qu’à sa tête, il avait malgré tout essayé pour faire plaisir à son paternel. Paternel qui le ne regardait plus vraiment d’ailleurs. Le jeune homme avait tout de même quitté Williamsport pendant un temps mais était revenu bien plus vite que prévu pour s’occuper d’Hoffman Sénior. Puis, un sombre jour vint encore brouiller le ciel déjà bien gris d’Aaron, leur Père venait de succomber, peut être était-il heureux maintenant, peut être avait-il rejoint leur Mère, le jeune homme ne croyait pas franchement à ce tissu de conneries, sauf peut être lorsque cela concernait directement ses parents. Il avait également découvert l’art du mensonge, disant à son Père qu’il travaillait bien, qu’il s’en sortait, alors que c’était presque tout le contraire, les commères de l’époque avaient sûrement eues raison. Il tournait plutôt mal. Ce sombre jour d’Automne, Aaron prenait son téléphone et osait composer le numéro de son jumeau, messagerie, comme toujours lorsqu’il s’agissait de lui.

« Notre Père vient de décéder, ses funérailles auront lieue dans deux, trois jours, si tu pouvais faire l’effort de venir. ». Puis il raccrochait, sans un mot de plus, amère et mâchoire crispée. L’enterrement se passait de manière discrète, quelques voisins et anciennes connaissances vinrent se mêler à la douleur que pouvaient ressentir les deux jeunes hommes, si tant est que Grayson ressentait encore quelque chose. Oui, son frère était tout de même venu pour les funérailles, si intérieurement Aaron le remerciait pour leur Père, il ne lui décrochait pas un mot, sauf peut être pour lui expliquer ce qu’il s’était passé. Dans tous les cas Gray n’avait pas été là, il ne pouvait donc pas comprendre, lui qui avait mené sa petite vie tranquille ailleurs, à croire que tout les différenciait complètement. Leur chemin se séparait une énième fois ici pour une nouvelle cassure. Plusieurs mois s’écoulaient et Aaron ne vivait pas mieux, il avait voulu vendre la maison et n’avait pas pris la peine de demander la permission à qui que ce soit, se considérant comme le plus proche parent de leur défunt Père. Grayson comme lui venaient d’hériter d’une mince fortune, fortune que le plus silencieux des deux s’était empressé d’enfermer dans un compte en banque pour n’y toucher qu’en cas de nécessité. Bien des semaines plus tard, le jeune homme était devenu un expert en matière de faux comptes en banques et c’était lui-même fait un petit business là-dessus. Il était conscient de quel groupe faisait parti son jumeau et c’était sûrement par envie de contrarier celui-ci qu’il s’était lancé dans de la fraude. Aaron passait de villes en villes, quittant la ville pour plusieurs mois et faire un joli petit road-trip dans plusieurs Etats avec pour seules bagages les voitures qu’il « empruntait » et un sac de voyage avec le strict nécessaire. Le but de tout ça ? Ne plus être considéré comme un riche fils à papa qui a mal tourné pour contredire sa famille « parfaite ». Il ne considérait pas la vie des Hoffman comme étant « la vie parfaite », pour lui ce n’était qu’un petit aperçu de l’Enfer. Durant sa petite escapade, il fit la rencontre d’une jeune femme qui semblait elle aussi avoir des envies de liberté. Comment ils s’étaient rencontrés ? Grâce à l’auto-stop, tout simplement. Pour preuve, ils ne se quittèrent plus de tout le voyage. Le jeune homme apprit à faire confiance, mais également à sourire et croire que tout n’était peut être pas si sombre. Toujours aussi froid cependant, la jeune femme faisait tout son possible pour lui faire briser sa carapace qui semblait belle et bien solide. Aaron ne lui disait pas tout de sa vie, il lui avait dit le strict minimum et même si elle était renfrognée de ne pas en savoir plus sur « son sauveur mystérieux », elle ne bronchait pas, préférant faire la causette pour deux. Il aurait été gonflé de dire qu’en quelques mois rien ne s’était passé entre eux, mais s’il y’avait quelque chose Aaron le niait complètement. Les motels étaient en quelques sortes devenus sa deuxième maison et inutile de préciser qu’ils testèrent pas mal de lits différents. Son amie savait parfaitement ce qu’il manigançait avec ses faux comptes, et elle cherchait toujours à en apprendre plus sur lui, elle était tout de même satisfaite de voir ses barrières s’affaisser au fur et à mesure des semaines passées ensemble. Le voir sourire était une belle récompense et Aaron lui-même se surprenait à le faire, n’étant pas franchement habitué à se sentir « pleinement lui-même ».

Comme tout avait bien sûr une fin, le jeune homme décidait de rentrer à Williamsport, il lui avait bien évidemment proposé de venir avec lui mais la jeune femme refusait, ayant encore des envies de voyage. Ils s’étaient quittés à la frontière entre l’Illinois et l’Indiana sur un simple baiser et un clin d’œil. Difficile de parler d’amour dans ce cas précis, mais il savait qu’elle ne le laissait pas indifférent pour autant. C’était bien la seule capable de le faire taire et de renverser ses préjugés. Toutefois, sa notion du bonheur sans conséquences allait encore être ébranlée. Il avait réussi à se dénicher un petit appartement dans un coin tranquille, cela faisait maintenant quelques semaines qu’il y habitait et qu’il flirtait de nouveau avec la ville de son enfance maudite. C’est en traînant dans l’une de ces rues que les ennuis le frappèrent de plein fouet. Le jeune homme marchait tranquillement et ne prêtait pas vraiment attention aux regards qui pouvaient se poser sur lui. Il fut rapidement interpellé par l’un des agents de Police qui passait dans le coin –comme par hasard-.
« Aaron Eliezer Hoffman ? ».
« Ouai. »
Il n’attendit pas la raison de cette interpellation, comprenant fort bien ce qu’il se passait, rares étaient les agents qui connaissaient aussi bien tous vos prénoms. Sans attendre, Aaron fonçait déjà dans une rue adjacente, il était inconcevable pour lui de finir intercepté par ces bougres là. La course poursuite dura pendant de bonnes minutes mais il fut finalement rattrapé, se sentant piégé, il crut d’abord que c’était la faute de son aventure « d’un soir » mais ça lui paraissait impossible, elle était à des miles de là. Coincé dans une ruelle, il s’agenouillait finalement au sol, les mains au dessus de sa tête, et il recouvrait son visage fermé. Les sourcils froncés, il grimaçait quand l’un des agents venait lui passer les menottes. « Aaron Eliezer Hoffman, je vous arrête pour fraude et détournement de fonds ». Derrière eux la population curieuse observait ce qu’il se passait, certains avaient pitié, d’autres étaient visiblement ravis de le voir dans ce traquenard. Aucun regard ne leur était adressé, ils ne le méritaient pas. Peut être que les commères du quartier assistaient à la scène, ou peut être pas.

Quatre mois qu’il se trouvait dans cette taule, qu’il vivait au rythme des tribunaux, de la malbouffe et du partage de cellule. Il n’était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds et son compagnon « de chambre » l’avait bien comprit. Ce jour là il avait fait le con au réfectoire, provoquant un autre détenu jusqu’à ce qu’une mini bataille n’éclate, c’est ce qu’il avait cherché, se retrouver en Isolement, ne plus les voir, ne plus les entendre geindre et jacter à longueur de temps. S’éloigner de ceux qu’il considérait comme malades mentaux, ceux qui devenaient complètement barges à force de rester ici. C’est ce jour là que les évènements se produisirent, oh il ne pouvait pas regarder les informations régionales, il ignorait tout, mais la Prison n’échappa pas « à la folie » qui s’infiltrait dans toute la ville. Assis contre le mur de son étroite cellule, il vit les lumières se mettre à grésiller jusqu’à ce que celles-ci ne s’éteignent complètement. Il entendit bientôt les hurlements d’un des surveillants et se contentait d’observer sagement, sans faire le moindre bruit, la respiration devenant plus lente. Puis, sans qu’il ne comprenne quoi que ce soit, toutes les portes venaient de s’ouvrir une à une. Un dernier cri retentissait puis plus rien, plus un son. Croyant d’abord à un piège, il n’attendit pas de le savoir et sortait déjà de la pièce, avançant dans les couloirs histoire de pouvoir s’échapper sans encombre, c’était une occasion en or. Aaron tournait à l’angle d’un couloir qui était encore allumé, il tournait la tête et se baissait rapidement, une épaisse fumée noire venait de voler juste au dessus de sa tête. Les yeux écarquillés il ne comprenait rien, qu’est ce qu’il se passait ? Une fois arrivé dans l’aile principale du centre pénitentiaire, il s’aperçut de la panique ambiante, les surveillants étaient débordés, certains agissaient étrangement, voir plus violemment que d’habitude. Préférant prendre la poudre d’escampette sans se faire remarquer, il ramassait les clés d’un maton à terre et se jetait vers la sortie. Une fois à l’extérieur, il se rendit compte de la nuit noire. Il se débarrassait de ses vêtements typiques d’un criminel, il avait aussi profité du carnage pour passer par la case vestiaire, récupérant ainsi quelques unes de ses affaires au passage. Une fois habillé « en civil » il arpentait la route, la prison ne se situant pas en plein centre ville –bien évidemment. Marcher de nuit n’était pas chose aisée mais il ne se plaignait pas, il était en quelques sortes « libre », il y avait tout de même des choses étranges, il avait vu une fumée se diriger où elle le voulait, des hommes perdre la raison et d’autres devenus complètement violents alors qu’ils n’étaient pas réputés pour être dangereux. Ces interrogations passaient dans sa tête alors qu’une voiture arrivait plein gaz derrière lui. Instinctivement, il plongeait sur le côté pour ne pas se faire repérer. La voiture s’arrêtait à quelques mètres.
« Aaron ?! Je sais que t’es là. ».
« Cassie ? ».
Le jeune homme se redressait, que faisait-elle là ? La dernière fois qu’il l’avait vu, ils se quittaient mutuellement.
« Monte ! Grouille-toi, il faut qu’on parle. ».
Aaron s’exécutait, il n’allait pas pisser sur une occasion pareille de se faire la malle à vitesse grand V. Même s’il n’était pas au bout de ses surprises…

Les jours passaient et la pagaille s’installait partout. Obligé de se planquer, Aaron résidait dans un vieux motel à quelques miles de la ville, il en avait profité pour s’acheter une moto avec l’argent mis de côté. Cela faisait maintenant plusieurs jours qu’il savait ce qu’il se passait à Williamsport, c’était la jeune femme qui l’avait mis au courant de tout ce bordel. Il voyait en cette « catastrophe » une opportunité de se racheter, il apprenait donc tout ce qui concernait les Démons et cette histoire de bestiole. Oh, il avait eu du mal à avaler cette histoire et inutile de préciser la tête qu’il avait fait quand la jeune femme lui avait expliqué tout ça. Elle avait donc caché un détail sur elle. A l’heure actuelle, Aaron connaît les bases de l’exorcisme et sait tout ce qu’il faut savoir pour renvoyer ces trucs en Enfer. Il voit là un moyen de se dépenser, de se défouler et d’extérioriser toute la colère emmagasinée pendant toutes ces années. Malgré cela, il se pourrait qu’il change du tout au tout, plus les jours passent et plus il ressent quelque chose de nouveau, une certaine inquiétude pour son jumeau dont il n’a pas eu de nouvelles depuis bientôt un an et demi. Cassidy l’a aidé à apprendre mais elle a reprit son envol pour repartir sur les routes, voulant soit disant vérifier que tout allait dans les villes alentours. Aaron ne la blâme pas, après tout il a toujours été solitaire et renfermé.

☜ HUNTERS ☞

THERE'S JUST ONE THING WE HAVE TO DO : SEND THEM BACK TO HELL.
La situation actuelle ? Aaron se sent concerné. Combien de fois a-t-il vu des humains devenir complètement fous à cause de ces saloperies ? Un nombre plutôt grand, bien trop grand à son goût. Toutefois, il peut dire merci à cet évènements déplorable, ça lui a permit de sortir d'un endroit désagréable. Non pas qu'ils l'aient laissé sortir non, il en a profité c'est tout. La situation extérieure, bah c'est le bordel et s'il a prit les armes c'est pour se débarrasser de tout ça et peut être "payer sa dette" envers la société. Après tout, on ne sait jamais hein ! Il n'hésite pas à tuer s'il le faut, ni même à se plonger dans de bons vieux bouquins, ce sont les seuls qui le "passionnent" au fond.

c. padabee