❝ FIRST CHAPTER ; fell on black days ❞

« Eitan… » Le petit garçon réprima un grognement, se réveillant avec difficulté. Il était quoi ? Deux ou trois heures du matin, voilà déjà six longues heures que le gamin dormait profondément dans son lit, mais ce soit, Caroline Vargas avait particulièrement besoin de réveiller son fils. Il s’était légèrement, passant une main sur ses yeux tant la difficulté de se réveiller était intense. Le cœur serré, elle força un sourire, se persuadant encor une fois que c’était la meilleure solution… pour son fils, pour sa fille, pour son mari même. Elle était ce qui semblait être une malédiction, porteuse d’un quelconque malheur qu’elle espérait ne pas se voir se répandre dans le sang de ses enfants. Caressant avec tendresse la joue de son fils, elle déposa un baiser sur son front. « Hey bonhomme… » Il venait vaguement d’ouvrir les yeux, dans un gémissement de l’enfant qui émerge. Non, il ne fallait pas qu’il se réveille trop, elle venait juste… juste pour pouvoir le serrer une dernière fois dans ses bras dans toute sa vie. Continuant de retenir ce sourire plaqué sur ses lèvres, elle laissa glisser sa main jusque dans les cheveux déjà bruns du petit garçon, se contentant de ça, pour finalement enfin l’entraîner à se rallonger, et recommencer à lui caresser lentement la joue pour qu’il se rendorme. Elle ne savait pas pourquoi elle avait eu ce besoin de réveiller son fils au milieu de la nuit… c’était comme ça, et maintenant, la tâche de quitter le foyer semblait encore plus compliquée qu’au moment où elle était passée dans la chambre de sa fille. Elle n’avait que deux ans à peine, pour Eitan, les choses seraient sans doute différentes… Partagée entre l’envie viscérale de rester parmi les siens et le besoin de partir, elle s’attarda de longues minutes à border son fils, alors que celui-ci était reparti dans un long sommeil, sans se soucier le moins du monde – sans même s’y attendre – du fait qu’en se réveillant le lendemain, il n’aurait même plus de mère et que sa vie allait en être considérablement bouleversée.

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« Partie ! » Il réprima un grognement, alors que le mot était sorti de lui-même aussi fort du plus profond de sa gorge. Jetant un vif regard vers son fils qui ne semblait pas avoir eu la moindre réaction, l’homme s’arrangea pour lui faire dos, mâchoires crispées pour se forcer à baisser le ton. « Elle est partie. J’ai trouvé un mot ce matin… » Partie, oui, c’était le mot… Eitan se souvenait de quelques bribes de cette nuit. Les cheveux blonds de sa mère, un vague sourire, ses caresses pour qu’il se rendorme paisiblement, derniers signes d’affection dont elle semblait bien vouloir le gratifier. Crispé, assis sur la marche d’escaliers, il ne bougeait pas, il n’avait pas bougé de cette place là depuis de longues heures déjà, mais son père, trop paniqué à l’idée de se retrouver avec deux enfants sur les bras, n’avait rien remarqué. « J’ai… J’ai besoin que vous gardiez les enfants. Quelques temps. Quelques jours le temps que… tu vois. » Tu vois quoi ? Eitan, lui, ne voyait pas ! Il ne voyait pas pourquoi sa famille partait en lambeaux soudainement ?! Il ne voyait pas pourquoi sa mère était « partie » alors qu’elle avait été des plus heureuses au premier abord, il ne comprenait pas non plus pourquoi est-ce qu’il fallait qu’il se sente culpabilisé par toute cette histoire, pourquoi est-ce qu’il fallait qu’il se sente accablé par les remords ?! C’était dur, pour un petit garçon de six ans, de comprendre tout ça… trop dur. Il n’avait pas pleuré, même quand son père s’était énervé pour une histoire de tâche sur la table, agacé sans doute par tous les bouleversements qui s’opéraient dans sa vie. Si seulement il avait pu comprendre que cette journée, n'était que la première d'une longue suite d'autres qui allaient être encore de pire en pire, alors que jusque là, il aurait presque pu croire qu'il ne connaîtrait jamais de pire jour dans sa vie.

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« Dis-voir une chose Eitan, tu ne devrais pas être à l’école ? » Paroles qui vinrent interrompre le jeune homme, alors qu’il avalait sans limite de propreté l’énorme part de tarte que sa grand-mère avait coupée. Assis à la table de la cuisine, Eitan haussa les épaules, vaguement, d’un air nonchalant, plongé soudainement dans un silence sans précédent. « C’est les vacances. » Finit-il par répondre d’un air détaché et totalement innocent, comme si de rien n’était, comme il le faisait si bien. Ses mensonges passaient parfaitement bien auprès de son père, sans doute parce que celui-ci était trop bourré pour voir cette petite fossette se creuser au coin des lèvres du garçon qui désignait alors clairement qu’il mentait comme un arracheur de dents. Sa grand-mère, elle, pas encore vieille et sénile, la remarquait très bien et d’ailleurs, à la réponse d’Eitan, elle eut un ricanement. « Mais bien sûr. Tu peux faire croire ça à ton père, mais pas à moi. Ta sœur est à l’école mais toi tu as des vacances, c’est ça ? » Elle venait de toucher un point sensible, tiens, alors qu’Eitan lui avait déjà raconté qu’il avait amené sa cadette à l’école ce matin même. Oui, aujourd’hui, pour le père Ewey, il semblait que ses enfants soient en âge de se débrouiller tout seuls. Eitan, l’aîné, avait onze ans, tandis que la cadette, en avait sept. Pour les parents de l’homme, la déchéance de leur fils suite au départ de Caroline semblait compliquée à gérer sans qu’ils s’immiscent trop dans la vie de leur fils et de leurs petits enfants. Au fond, peut-être qu’ils n’avaient pas eu envie, jusque là, de voir l’état déplorable de leur vie… De ce qu’elle en avait vu, la grand-mère Ewey n’était pas satisfaite de son fils, tandis qu’Eitan avait des vêtements presque trop grands pour lui, qu’il se baladait pendant trois ans avec les mêmes chaussures qui finissaient usées jusqu’à la semelle et qu’il semblait être le paria de la ville. Elle s’efforçait d’acheter quelques trucs pour les enfants, mais aujourd’hui, alors qu’ils devenaient grands, ce n’était plus suffisant. Elle s’en voudrait probablement à vie si les deux enfants en venaient à détester leurs parents, ou même à la détester elle pour n’avoir jamais agi. « Tout va bien à la maison ? » S’enquit-elle alors, comme pour enfin concrétiser ses songes. « Comme d’habitude… » Répondit simplement Eitan, confirmant ses inquiétudes sans même avoir à formuler la moindre phrase de plus. Son regard avait toujours parlé pour lui, ce pauvre enfant, il semblait complètement incapable de masquer le moindre de ses états d’âme. « Je vois. Quand tu iras chercher ta sœur, rentrez ici, je tiens à ce que vous ayez fait vos devoirs. » Mine de rien et malgré l’obligation que cette phrase semblait soulever, Eitan esquissa un sourire à l’adresse de sa grand-mère, un remerciement inconscient… Enfin un peu d’attention, c’était sans aucun doute ce qu’il pensait à cet instant précis, alors qu’il avait eu de plus en plus l’impression de disparaître aux yeux de tous.

❝ SECOND CHAPTER ; don't look back ❞

« Eitan… » Callie avait posé sa tête contre l’épaule de son frère aîné, se lovant contre lui dans un soupir de soulagement. Ce soir, il était tard et pourtant, ils ne dormaient pas encore. Du moins, Eitan avait trouvé le sommeil plus rapidement que sa petite sœur, qui elle, avait passé de longues heures à pleurer dans un pseudo silence qui avait fini par briser le sommeil de son aîné. Maintenant ils étaient là, assis devant la fenêtre de leur chambre à regarder les étoiles à travers celle-ci. Il savait très bien ce qu’elle allait dire, alors qu’avec les années, Callie avait franchi les interrogations sur leur mère, pour finir par chercher à retourner auprès d’un père qui ne voulait pas d’eux… sans doute parce qu’ils lui rappelaient trop son bonheur brisé, qui sait. « On pourra aller voir papa demain ? » Il réprima un soupir, ayant un léger mouvement de malaise, alors qu’il sentait que quelque part, bien qu’ils puissent en avoir l’autorisation, lui n’avait pas envie d’y aller. Elle ne savait pas vers quoi elle allait retourner et ils ne savaient même pas dans quel état ils retrouveraient leur père s’ils venaient à y aller. Certes, les grands parents Ewey s’efforçaient de ne pas briser le lien entre les enfants et leur père, si bien que le frère et la sœur se retrouvaient à appeler leur père tous les soirs. Mais si parfois, la chose se finissait en pleurs de tristesse et de manque, d’autres fois, elles se finissaient en pleurs de rage, parce que le père Ewey avait tout simplement trop bu et avait commencé à en balancer des vertes et des pas mures sur ses enfants, ou même sur la mère de ceux-ci. « Y’a des gens qui viennent demain ici… Mamie aimera pas si on est en retard. Un autre jour Callie. » Le ton avait été inconsciemment ferme, et sans doute qu’elle sentit que le refus était catégorique, puisqu’elle observa un instant son aîné, avant de se rendre à l’évidence. « D’accord. » Sans un mot de plus, elle revint se serrer contre lui et si elle ne fit pas de bruit, il la sentit quand même pleurer contre son épaule, jusqu’à ce qu’elle en vienne à s’endormir… d’épuisement sans doute.

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« Viens. » Sans un mot, Eitan suivit Grayson, laissant un instant son regard encore s’attarder sur le portrait craché de son meilleur ami. Grayson et Aaron… deux sacrés chapitres dans sa vie, whatever… Ils étaient jumeaux et pourtant, pas très proches… Eitan ne pouvait pourtant s’empêcher de penser que cet état de fait n’était du qu’au comportement d’Aaron, qui ne donnait pas franchement envie d’être approché. Eitan et Grayson, c’était toute une histoire qui durait depuis les bancs de la petite école et pourtant, même avec tout le temps qu’il avait eu en six ou sept années déjà, il ne s’était pas encore fait au frère jumeau de son meilleur ami. « Il ferait presque peur ton frère. » C’est la seule remarque qu’il se permit, alors qu’ils sortaient dans la rue, pour aller s’aérer un peu alors que oui, ils avaient bossé quelques temps… ça leur arrivait d’être des enfants modèles ou presque. « A qui le dis-tu… » C’était dans un vague soupir las que Grayson avait répondu, comme si cette situation lui pesait… Pourtant, jusque là, Eitan n’avait jamais vu Grayson tenter quoique ce soit vers son frère, mais ce n’était pas ses affaires n’est-ce pas ? C’est ainsi qu’Eitan, encore une fois, se contenta d’une moue pas franchement convaincue par cette entrevue rapide avec Aaron, pour finalement oublier. C’était toujours comme ça que les choses fonctionnaient entre Grayson et Eitan… car bien sûr, dire que jusque là, il n’y avait jamais eu quelques accroches entre eux, ce serait mentir ! Mais toujours, ils avaient oublié la chose, ils s’étaient pardonnés pour redevenir plus proches qu’avant. Qui sait, peut-être que quelque part, Eitan compensait les silences d’Aaron et que Grayson était une présence de son âge pour un Eitan qui s’occupait principalement de sa petite sœur. Ils ne savaient pas de quoi était née leur amitié, ni même sur quoi elle reposait… elle reposait sur eux deux, sur ce feeling qu’ils avaient l’un avec l’autre, sans doute parce qu’ils connaissaient parfois les mêmes douleurs, alors qu’ils étaient encore jeunes.

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« T’en veux ? » Il ne s’attendait pas à être dérangé, encore moins par une voix qui lui semblait un tant soit peu familière. Il ne l’avait pas entendue depuis longtemps certes, il ne l’avait d’ailleurs pas croisée depuis longtemps, la personne à qui appartenait cette voix. Aujourd’hui, Grayson n’était pas là et Eitan avait décidé de s’exiler un peu dans un coin de la cour du lycée mais bizarrement, ça semblait avoir attiré une curieuse. Relevant donc automatiquement les yeux pour découvrir les cheveux noirs jais de Dakota, il l’observa un instant, d’abord incrédule. Il finit pourtant par lui esquisser un sourire, et ainsi briser la glace qui s’était peu à peu construite entre eux. Dakota… s’il avait su à une certaine époque, alors qu’il s’était habitué à lui tirer les couettes dans la cour de maternelle, les choses semblaient différentes maintenant qu’ils avaient grandi, et elles allaient encore l’être d’ici peu. Il ne savait pas pourquoi elle était venue vers lui ce jour là, il ne l’a jamais su d’ailleurs… il lui est parfois arrivé de vouloir penser à lui demander, sans pour autant qu’il n’en ait le réflexe. A une certaine époque, il avait cru pouvoir passer toute sa vie avec elle, alors il n’avait pas vraiment porter attention à cette question secondaire… qui aujourd’hui, constitue désormais une énigme pour lui… Une énigme qui ne sera jamais éclairée.

❝ THIRD CHAPTER ; living is easy ❞

« Monsieur Eitan Samuel Ewey-Vargas voulez-vous prendre pour épouse mademoiselle Dakota Rheese Stewart ci-présente ? » Le temps lui avait semblé interminable depuis que la messe avait commencé, avant que le prêtre ne se décide à prononcer ces fameux mots, qu’il se décide enfin à les engager comme mari et femme. Ironique, quand on savait qu’ils attendaient déjà depuis cinq ans de pouvoir concrétiser de cette manière là leur vie. Ils s’étaient rencontrés aux alentours de leurs dix-sept ans, ils avaient aujourd’hui vingt trois ans, ou presque. Leur vie prenait pour ainsi dire, un nouveau tournant et pas des moindres, ce qui les rendait tous les deux assez… comment dire ? Assez impatients, tout autant qu’ils étaient anxieux rien qu’à l’idée de découvrir ce que ça allait changer dans leur vie. Qu’est ce que ça changerait qu’il dorme au côté de Dakota Rheese Ewey-Vargas et non pas au côté de Dakota Rheese Stewart ? Rien, au fond et pourtant, il ne pouvait s’empêcher de vouloir de tout son être qu’elle devienne enfin CELLE, la seule et unique à qui il dévouerait toute sa vie. « Oui je le veux. » Répondit-il donc dans un franc hochement de tête, adressant un sourire à Dakota alors qu’il se perdait dans son regard. La demande en mariage avait été des plus romantiques, un petit restaurant, une bague dans un étui propre qui lui avait coûté une blinde quand on savait à quel point son salaire pouvait être minuscule à l’époque. Une promesse de vie meilleure, ce mariage signifiait beaucoup de choses, alors que ce foutu prêtre semblait prendre son temps. « Et vous, mademoiselle Dakota Rheese Stewart, consentez-vous à prendre monsieur Eitan Samuel Ewey-Vargas pour époux légitime ? » Et là, mine de rien, comme une crise de folie passagère, il se surprit à imaginer qu’elle dise non, bien qu’elle ait le regard pétillant au possible. Est-ce que c’était possible qu’elle dise non ? Il n’en savait même plus rien à l’instant précis, comme s’il avait besoin des mots pour être rassuré, tandis que chacune des attitudes de Dakota démontrait complètement qu’elle n’avait aucun signe d’hésitation pour faire son choix. « Bien sûr. » Elle avait répondu quelques secondes à peine après le prêtre, mais pour Eitan, ça avait sans doute été de longues minutes, puisqu’il sentit enfin son cœur repartir de plus belle dans une nouvelle embardée… Toute une nouvelle histoire.

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« Monsieur… » Pauvre infirmière qui tentait de le retenir, elle allait finir par avoir raison des limites éthiques ou de politesse qu’il se fixait. « Où est ma femme ? » Il avait demandé ça d’un ton pressé, qui aurait pu faire comprendre à l’infirmière de ne rien dire, de ne pas insister et de le laisser se calmer dans son coin, mais mal lui en prit, puisqu’elle se permit d’insister. « Asseyez vous. Un méd… » « Où est ma femme ?! » Cette fois-ci, il avait carrément gueulé au milieu du couloir de l’hôpital, sans se soucier des autres patients, sans se soucier de déranger un quelconque calme. Peu lui importait à cet instant précis. Il voulait des réponses et des réponses précises ! Il n’avait rien eu de plus qu’une information qui disait que Dakota se trouvait à l’hôpital suite à un accident ! Il ne savait même pas si elle était consciente ou à l’agonie, il ne savait même pas si c’était bel et bien elle ! C’était sans doute la pire des situations qu’il n’ait jamais connues. Le doute, la peur, le stress, tout lui tordait les boyaux, alors qu’il sentait sa vie, son existence même, s’effondrer. Foutue soirée ! Elle devait rentrée plus tard que prévu, il avait même été jusqu’à faire le repas… A croire que les soirs qui sortaient de l’ordinaire n’étaient pas faits pour eux, qu’ils finissaient forcément par virer à la catastrophe. Le regard désolé de l’infirmière le glaça complètement sur place, le cœur arrêté dans une palpitation, il ne réagit même plus, si bien qu’elle réussit enfin à l’entraîner vers des sièges pour l’asseoir. « Votre femme est encore au bloc opératoire. Les médecins font tout ce qui est en leur pouvoir pour la sauver. Son état est pourtant engagé pour le moment… Il vous faut beaucoup de patience. Vous avez de la famille, quelqu’un à appeler ? » Il n’avait entendu que quelques mots, avant que son cerveau ne le déconnecte de la réalité. Trop ? Oui, c’était sans doute ça, trop d’informations d’un coup, ou peut-être une peine trop importante qui venait s’abattre sur lui alors qu’il avait cru pouvoir enfin tirer un trait sur ses malheurs, rien qu’avec le sourire de Dakota.

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« Je… » Il se tut, ne pouvant retenir un ricanement ironique, tandis que les mots avaient du mal à sortir. Il avait tellement de choses à dire. Qu’il n’avait pas bu depuis deux mois ? Qu’il avait arrêté de la pleurer ? Ou même de l’attendre ? … Au fond, il ne savait pas encore si Charlie n’était qu’un échappatoire quelconque à son malheur ou si c’était celle qui pourrait réellement combler son malheur. Ses sentiments étaient broyés, brouillés par le malheur, réduits en cendre par tout ce qu’il avait vécu… Il ne voulait plus rien savoir sans aucun doute, ce cœur déchiré. Baissant les yeux, il s’humidifia les lèvres pendant quelques secondes, pour prendre une longue inspiration et se préparer. « Je sais pas si tu m’entends… J’espère. Mais j’ai l’impression d’espérer depuis trop longtemps Dakota… J’suis désolé. » Il avait presque envie de balancer un « c’est compliqué » mais sans doute que la phrase n’aurait pas plu à Dakota elle-même. Il l’entendait bien l’engueuler pour une telle réponse si elle était un tant soit peu consciente. Qui sait, peut-être qu’une telle connerie pourrait la réveiller en sursaut. Quoique… niveau connerie, parler à sa future ex femme comateuse depuis plus d’un an et demi… c’en était une belle sans doute, non ? Lui, il était persuadé que c’en était une, et même qu’il était fou de toute manière. Fou de chagrin, fou de croire qu’il pourrait changer quoique ce soit à sa situation rien qu’en se réfugiant dans les bras d’une autre. « Dakota… je viendrai plus. T’aurais… enfin, je pense que t’aurais pas voulu que je reste comme ça… J’me suis… Pas mal perdu ces derniers temps. Depuis que j’t’ai perdue… Mais… » Une nouvelle longue inspiration, plus difficile alors que concrétiser les mots à haute voix semblait être l’épreuve de trop. « T’es partie… » C’était dit. Il baissa à nouveau les yeux, alors que dans une vague tentative d’attirer une quelconque attention émanant de la jeune femme, il l’avait regardée. Heureusement qu’il était seul, sans doute qu’on l’enfermerait sinon. « C’est… j’dois accepter. J’ai accepté… » Il avait peu à peu baissé le ton de sa voix, comme si c’était une chose dont il se rendait compte uniquement maintenant, alors que ça faisait déjà bien deux longs mois qu’il marinait ça… Oui, il avait accepté qu’elle l’abandonne, il lui pardonnait tout aussi fort qu’elle lui manquait. Il devait passer à autre chose pour ne pas sombrer…

❝ FOURTH CHAPTER ; road to nowehere ❞

« C’est quoi ça ? » La chose avait été dite avec plus de curiosité que de jalousie dans la voix. Arrivant vivement à hauteur de la jeune femme, Eitan attrapa le cadre photo, contentant la dernière photo de son mariage qu’il n’avait pas enterrée au fond d’un carton. Merde. Il avait tout préparé pour l’arrivée de Charlie chez lui, mais il avait fallu qu’il en oublie une. C’était presque marrant, c’était sans doute inconscient, puisque c’était la photo qu’il préférait qu’il avait laissée. Observant un instant Charlie d’un air sans doute partagé entre cette peine qu’il gardait en lui et un ‘pardon’ qu’il ne voulait pas prononcer à haute voix, il baissa les yeux, presque gêné. « C’est rien. J’ai oublié. » Il ne lui avait jamais trop longuement parlée de Dakota… c’était un sujet pointilleux qu’il n’appréciait pas ressasser, elle l’avait compris, sans doute parce qu’elle aussi, elle avait des démons qui la hantaient encore. « Eitan… » Il fit mine de rien, s’écartant pour aller ranger le cadre photo dans un tiroir quelconque, comme subitement décidé à l’enterrer aussi, mais sans doute juste pour faire plaisir à Charlie. Il avait vraiment tout fait pour qu’elle se sente chez elle… et voilà que tout venait de partir à volo dans une seule et unique photo. Bordel… « C’est pas grave… tu sais. » Il répondit par un vague hochement de tête. Bien sûr que ce n’était pas grave, Charlie n’était pas du genre à lui faire une crise de jalousie alors qu’elle ne savait que trop bien qu’il était encore à deux doigts de replonger dans ses vieux malheurs. Génial, voilà qu’en tout cas, leur vie en commun commençait par un beau malaise.

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« Epouse moi… » Il avait dit ça d’une voix parfaitement audible pour elle, lovée dans ses bras. C’était le matin, un dimanche, aucun des deux ne travaillait et cela faisait plus d’une heure qu’ils traînaient encore dans le lit, visiblement pas très motivés par l’idée d’en sortir. Il la tenait contre lui, caressant son bras d’une main, la fixant intensément en l’attente d’une réponse. Ils n’en avaient jamais parlé jusqu’alors, c’était comme… si c’était un subit élan de folie qui l’avait poussé à dire ces mots. Cela faisait plusieurs mois qu’il avait entrepris une procédure avec un avocat pour divorcer de Dakota et pourtant, Charlie n’avait sans doute encore jamais envisagé pouvoir prendre si vite la place de l’ex… Enfin, il fallait bien qu’il trace définitivement un trait sur Dakota, non ? Charlie lui avait apporté du bonheur, plus de bonheur qu’il n’aurait pu l’attendre en six mois à peine…Il ne voulait pas la perdre, il ne voulait pas la laisser filer à cause de vieux fantômes dont il n’arrivait pas à se débarrasser. « Quoi ? » Elle souriait jusqu’aux oreilles, se mordillant légèrement la lèvre, le regard brillant, comme si elle l’invitait à répéter ces mots, à croire qu’elle allait lui faire le coup toute la matinée sans s’en lasser. Il esquissa un sourire amusé, avant de se décider. « Je veux… Qu’on se marie. Toi et moi. Pour toujours. » Eh oui, répéter les mots chacun comme avant, ça aurait été trop barbant, il avait fallu qu’il apporte de nouvelles précisions, qui semblèrent pourtant bien convenir à la jeune femme qui n’hésita pas bien longtemps…

✩ ★ ✩

« … Dakota ? » « Bonsoir Eitan… » Il ne la lâchait pas du regard, incapable de savoir quoi penser, incapable de savoir quoi croire dans ce qu’il voyait. Elle était là, elle se dressait devant lui, bel et bien vivante, le teint tout sauf livide… « J-… j’comprends pas… T’étais… Morte. » Le mot semblait plus douloureux encore maintenant qu’elle était là, alors que quelques mois plus tôt, c’était ce qu’il s’était répété en boucle pour ne pas retourner à l’hôpital avoir de faux espoirs. « Je pense que tu devrais revoir cette idée… » « Qu… » Il ne savait même pas quoi dire, le cœur battant à tout rompre, une peur panique qu’elle lui en veuille, qu’elle le déteste lui tordait le ventre. Il ne saurait dire s’il était heureux de la voir, là, maintenant, devant lui alors qu’il s’était efforcé de passer à autre chose. « Je suis venue pour t’aider, Eitan. » Il ne semblait pas comprendre, alors qu’elle s’était rapprochée, pour venir le fixer droit dans les yeux. « Je sais ce qu’il t’arrive en ce moment et je peux t’aider… » Il haussa largement les sourcils, comme s’il avait déjà compris de quoi elle voulait parler. Insidieusement, un fin frisson vint traverser son dos alors qu’il avait l’impression de se perdre totalement dans la situation, comment pouvait-elle savoir alors que lui-même ne comprenait rien ? Et... comment pouvait-elle bien être revenue comme ça ?! Déstabilisé, il resta un long instant glacé face à la vision de son ex femme, incapable de se persuader de la vérité qui crevait les yeux, incapable de fuir à toutes jambes cette situation inextricable qui semblait peu à peu se refermer sur lui.

☜ CHOSEN ☞

La situation actuelle ? Oh, Eitan la traverse avec relativement beaucoup de difficultés, partagé entre un nouveau monde qui s'introduit dans sa vie en la seule personne de Dakota, ou même à travers ces événements étranges qui bouleversent la vie à Williamsport, mais aussi à travers ces changements qu'il sent peu à peu grandir en lui. C'est une sensation à la fois grisante et effrayante, une impression de pouvoir et de folie. Il ne saurait dire ce qu'il ressent vraiment, si ce n'est d'intenses douleurs quand il est pris de migraines... Il sent quelque chose de nouveau en lui, de bon et de mauvais... Mais tout sauf s'y attarder. Les démons, les superstitions, ça n'existe pas et c'est une chose dont il se persuade depuis qu'il est gosse, alors ce n'est pas la panique de certains qui va le faire changer d'avis ! Mais qui sait, rapidement, sa vision des choses sera certainement revisitée.

c. fanpop